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vers les montagnes pour y reprendre ses outils et poursuivre ses recherches de prospecter.

Mais à un kilomètre du village, il tourna court sur la gauche, se dirigeant à travers bois et fourrés dans la direction d’Yaté, sur le littoral sud-est de l’île.

Là, avait autrefois vécu la puissante tribu des Touarous, dont il ne subsistait plus que les débris, une centaine de Canaques des deux sexes et de tout âge. Un missionnaire sauvait généreusement les âmes de ces indigènes, élevés par lui de la condition de sauvages à celle de serfs, car ils cultivaient sans la moindre rétribution les terres de la mission.

À un kilomètre, vivait avec une femme canaque un jeune Européen, Pierre Delmot.

Arrivé en Nouvelle-Calédonie à l’âge de quatre ans, avec ses parents, pauvres colons, Delmot s’était développé au milieu des naturels, dont il parlait admirablement la langue, et était devenu un sauvage blanc. Alors que la plupart des malheureux indigènes, assassinés par une civilisation dont on leur inoculait seulement les vices, s’éteignaient dégénérés, alcooliques et poitrinaires, lui, fils de la vieille Europe, s’était retrempé dans la large vie de nature ! Désireux pourtant de savoir, il avait forcé le missionnaire à lui apprendre à lire et écrire. Dans un séjour à Thio, il s’était fait enseigner un peu de calcul par le gérant du télégraphe, jeune homme conquis par sa vigoureuse droiture. Et cela lui suffisait : cultivant ses ignames, ses caféiers, pêchant, élevant quelques poules, Delmot s’estimait l’homme le plus heureux du monde.

Le hasard conduisit devant sa paillotte Détras, et ce fut le plus grand bonheur pour celui-ci.

Le jeune homme, en vrai Canaque, lui offrit l’hospitalité sans lui demander s’il avait des papiers. Puis, attirés l’un vers l’autre, par une réelle affinité, Delmot, las de sa solitude prolongée, Détras désireux de se poser quelque part pour achever d’y faire peau