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milieu des murmures de ses camarades. Par quoi donc est-elle constituée ? Y a-t-il des affiches, un ordre du jour ? Y a-t-il eu un appel aux habitants de Mersey ?

Moschin considérait le mineur avec attention, reconnaissant en lui l’étoffe, tempérament et sagacité, d’un véritable meneur d’hommes. Comment cette individualité avait-elle pu lui échapper, à lui qui scrutait soigneusement les ouvriers avant de les admettre à l’honneur de travailler pour la Compagnie ? Sa négligence ou sa distraction avait été impardonnable.

Et maintenant, il se demandait quel parti était préférable : le renvoyer brusquement de la mine ou le garder ? Le renvoyer avait le côté salutaire d’un exemple et serait excellent, mais à condition que Bernard quittât le pays, car s’il s’y installait pour travailler soit à son compte, soit dans un emploi quelconque, ce serait un mal pour un bien.

En le gardant provisoirement et sous une surveillance qu’on lui ferait sentir, peut-être l’amènerait-on à s’assagir par peur de perdre son pain. Il serait alors une sorte d’otage, répondant de la conduite de ses camarades. Qui sait même si on ne pourrait l’amener à servir les intérêts de la compagnie ? Moschin savait par expérience quels hommes utiles peuvent être les renégats ; et il lui semblait entrevoir en Bernard une valeur réelle.

— Si ce n’est pas une réunion publique, lui dit-il, désireux d’éprouver jusqu’au bout sa dialectique, c’est donc une réunion privée. C’est plus grave encore ; en vous assemblant à plus de vingt et une personnes, sans avoir déposé préalablement de statuts, ni même informé les autorités, vous constituez une société secrète, vous conspirez. C’est ce que je disais tout à l’heure.

Et souriant, il attendit la réponse.

— Nous ne conspirons pas plus que les consom-