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une campagne de réunions publiques à Mersey. Mais la loi, sinon dans la lettre, du moins dans son esprit et son application, est faite pour les puissants contre les déshérités.

Et ces hommes, qui ne semblaient pourtant pas des lâches, eurent pour la plupart, à la vue de Moschin, le frémissement du troupeau fouaillé devant le maître.

— Eh bien ! mes gaillards, fit le nouveau venu, on se réunit donc en cachette pour conspirer ?

— Pardon, fit Bernard qui, bien que surpris, avait conservé son sang-froid, si nous voulions conspirer, nous ne viendrions certainement pas dans un établissement public.

— Oui-dà ! vous iriez vous promener la nuit dans les bois comme vos prédécesseurs de la bande noire et, comme eux, pour vous faire la main en attendant la sociale, vous dynamiteriez quelques croix ?

— J’ignore ce qu’a été la bande noire, ce qu’elle a fait. Je sais seulement que nous avons le droit d’être ici pour consommer en payant.

— Et pour comploter contre ceux qui vous donnent du travail ?

— Qu’en savez-vous, monsieur Moschin ? Vous écoutiez donc à la porte ? répondit Bernard tranquille, mais ironique, tandis qu’un vieux mineur bougonnait près de lui :

— Du travail, eh ! certainement, ils nous en donnent, et plus que nous n’en voudrions. C’est de l’argent qu’ils ne nous donnent pas assez.

Le sang-froid de Bernard avait rendu courage à ses compagnons qui, maintenant, soutenaient le regard du chef policier.

— Je ne suis pas venu ici pour discuter avec vous, fit ce dernier. Je constate que vous tenez ici une réunion publique sans déclaration préalable, ce qui est contraire à la loi.

— Une réunion publique ! s’écria Bernard au