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Après avoir battu en brèche la municipalité aux ordres de des Gourdes par une campagne de réunions dont les organisateurs ostensibles ne seraient pas les mineurs, Bernard entrevoyait la grève comme un moyen efficace pour forcer les édiles à se retirer. Avec eux disparaîtraient une foule de règlements et arrêtés vexatoires qui faisaient des salariés de la Compagnie de véritables serfs. La police de Moschin mille fois plus redoutable que la police municipale, ne viendrait plus moucharder les mineurs jusque chez eux et terroriser les familles des travailleurs.

Certes il n’appartenait pas à Bernard ni à une minorité de ses camarades de faire décider une mesure aussi grave que la grève, car tous ces travailleurs savaient ce que ce mot signifiait. Ce n’était pas seulement la cessation de travail pour la bête de somme humaine, lasse de produire sans trêve, c’étaient aussi les minces ressources s’épuisant chaque jour, le manque de pain pour la famille tout entière, les angoisses, la faim.

Et pourtant toute victoire est le résultat d’une bataille. Combien plus poignantes et héroïques sont ces batailles économiques que celles livrées à coups de canon par des héros stupides qui s’entre-égorgent sans savoir pourquoi !

Du moins si la grève devait être décidée par l’ensemble des mineurs eux-mêmes, pouvait-on la préparer.

— Alors, c’est décidé ? demanda Bernard, vous m’engagez à demander le concours d’orateurs républicains de Môcon et d’ailleurs ?

— Oui.

— Lesquels ?

— Paryn !

Ce nom fut proféré par toutes les voix avec une spontanéité remarquable.

— Après ?

— Renouard ! Vallon !