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flancs abrupts s’élevaient presque perpendiculaires tout autour du vallon. Il se trouvait enfermé au fond d’un véritable entonnoir d’où il ne lui serait pas aisé de sortir. Majestueux et impassible, le ciel s’étendait au-dessus de sa tête comme un bleu linceul.

Devait-il, comme les Canaques qui l’y avaient précédé, mourir dans ce lieu oublié, loin du monde, loin des siens ?


XIII

RÉVEIL DES MINEURS


C’était un après-midi de dimanche.

Mersey dormait sous la tiédeur de juin. Seul, le cabaret du Fier Lapin, sis au haut de la côte de Vertbois, semblait vivre, animé par les conversations d’une quarantaine de mineurs.

Il est vrai que de cet établissement long et large, aux murs blancs festonnés de lierre, aux larges volets verts et à l’enseigne glorieuse — un gigantesque lapin coiffé du bonnet blanc de cuisinier, brandissant une casserole — se dégageait un double parfum de fraîcheur et de gibelotte, tout à fait irrésistible.

Dans la vaste salle du fond, donnant sur une assez grande cour garnie de tonnelles, les mineurs étaient attablés autour de quelques bouteilles. Ils buvaient modérément et discutaient avec sang-froid.

Les moralistes reprochent volontiers au peuple travailleur une tendance à l’ivrognerie et lui déclarent que, s’il buvait vertueusement de l’eau, son sort se trouverait complètement changé.

Il est incontestable que l’ivrognerie est une plaie terrible et que mieux vaut s’abstenir de vin que de rouler dans le ruisseau. Reste à savoir si cette plaie est une conséquence ou une cause et si elle ne résulte pas d’un régime économique que les vertueux moralistes se gardent bien de vouloir changer.