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connaissance avec un employé du journal la France australe. Je me disais que lui, qui habitait la colonie depuis quinze ans et avait eu sous ses yeux les nouvelles, saurait peut-être quelque chose. Mais non !

« J’en arrivais à perdre tout espoir, me disant que le bagne garde ses secrets, lorsque nous fûmes commandés pour partir à l’île Nou. Je songeai aussitôt que là je pourrais apprendre quelque chose. Le hasard, souvent, fait mieux les choses que les recherches patientes.

« Je regrettais de n’être point gradé, car, sergent ou même simplement caporal, j’aurais eu plus de facilités pour aller à droite et à gauche m’informer. Néanmoins, je cherchais toutes les occasions de causer avec les forçats et, finalement, au camp Est, j’en rencontrai un, auquel on laissait un peu plus de liberté qu’aux autres, parce que les journaux de France parlaient assez souvent de lui, et qui put me mettre sur la voie.

« Sans doute, vous rappellerez-vous son nom. C’était Cyvoct, qui fut, en 1883, condamné à Lyon pour l’explosion de la place Bellecour.

« Lui était au courant de la vie du bagne et, quand j’eus gagné sa confiance, il m’apprit qu’il avait entendu parler bien vaguement, à une date correspondant à celle de la disparition de Détras, d’une audacieuse évasion au camp de Bouraké.

« Un condamné d’une trentaine d’années, dont on a toujours tu le nom, se serait enfui du camp en assommant à demi l’unique surveillant, le garrottant et s’emparant de ses vêtements. Ce condamné n’aurait jamais été revu.

« Comme semblable fait pouvait servir d’exemple aux forçats, on s’est efforcé de le leur laisser ignorer. Les hommes du détachement de Bouraké ont été envoyés au camp Brun, d’où l’on ne revient guère vivant. C’est à peine s’il en est resté trois ou quatre,