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Néanmoins, il ne se tint pas pour battu.

Il se disait que quelques-uns des communards déportés en 1871 avaient pu demeurer dans le pays et que ces hommes frappés jadis pour avoir défendu la liberté ne pourraient manquer de s’intéresser au sort des condamnés de Mersey.

Ce en quoi, Panuel, malgré sa sagacité habituelle, se trompait.

Tout d’abord, les plus avancés, les plus militants de cette déportation comptant des éléments très disparates, avaient dès l’amnistie quitté un pays qu’ils exécraient, l’habitant contre leur gré. Il n’était resté ou revenu en Nouvelle-Calédonie qu’un nombre extrêmement restreint de communards, s’occupant d’affaires, agriculture, élevage ou spéculation sur les mines de nickel.

Et ceux-là, quoique conservant par habitude des opinions en somme républicaines, étaient devenus en général indifférents à la politique, plus encore à un mouvement social qu’ils ne connaissaient pas, ne comprenaient point.

L’homme, en général, n’a dans sa vie qu’une période de forte activité généreuse pendant laquelle il est capable de sacrifier sa liberté et même sa vie pour des idées et un but collectif : c’est la jeunesse, commençant quelquefois un peu plus tôt et se terminant un peu plus tard. Passé trente-cinq ans, il est rare que l’individu conserve l’enthousiasme, la vaillance et le désintéressement. La quarantaine devient l’âge mauvais, l’âge de l’égoïsme qui raille les aspirations idéales d’autrefois, les traitant d’illusions, et qui veut jouir de cette vie arrivée à un point culminant, au delà duquel il n’y a plus que le déclin vers la vieillesse et la mort. Quelquefois, cependant, chez certaines natures l’approche de la vieillesse produit un réveil ; l’homme devient indifférent à cette vie qui s’éloigne de lui, aux jouissances matérielles dont il ne peut plus goûter. Il éprouve le besoin de se rat-