parlé de son père, envoyé par des méchants dans un pays lointain dont on ne revient pas toujours, lui disant que même si ce père ne revenait point, il était juste qu’elle pensât à lui et l’aimât. Plus tard, on lui en apprendrait davantage.
Panuel continua :
— Un jour, on l’accusa d’avoir poussé ses compagnons de la mine à se révolter contre les riches qui les faisaient travailler.
Berthe interrompit le conteur :
— Papa Nuel, pourquoi y a-t-il des riches et des pauvres ? Est-ce juste ?
— Non, mon enfant, ce n’est pas juste. Cela finira quand les pauvres l’auront compris.
— Alors, le mineur avait raison s’il voulait se révolter avec ses camarades.
Panuel eut un éclair dans le regard. Ce bon sens droit de l’enfant, non déformé par les conventions et les mensonges de la société, lui plaisait : la petite serait digne de son père et de son aïeul.
Il reprit :
— Le mineur fut condamné par des juges, qui défendaient les riches contre les pauvres et jamais les pauvres contre les riches, à aller passer de longues années comme prisonnier dans un pays lointain qu’on nomme la Nouvelle-Calédonie.
— Comme mon pauvre père ! soupira Berthe.
Geneviève essuyait à la dérobée ses yeux humides de larmes. Elle s’efforçait de ne pas éclater en sanglots devant sa fille et se demandait pourquoi Panuel avait choisi ce procédé pour l’initier évidemment à quelque nouvelle grave, sans doute pour éviter une crise en la forçant à dompter son désespoir en présence de son enfant.
— Oui, comme ton père, ma chérie, reprit Panuel tout en encourageant Geneviève par ce magnétisme du regard qui transmet toutes les émotions ou toutes les forces de l’être.