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Cette clairière était située à cent mètres à peine d’une immense carrière abandonnée qui eût pu servir également de lieu de réunion.

— Les gredins ! pensa Michet qui tâchait de dénombrer les mineurs et de noter les physionomies. Ils sont bien de trois cent cinquante à quatre cents. Voici Janteau, Bochard, Vilaud, le gros Pétron… Galfe… lui aussi !… Détras, qui s’avance vers Jaillot. Attention !…

Ronnot, accompagné de Baladier, s’était placé au centre de la clairière et, d’un geste, avait réclamé le silence. D’une voix forte, dont chaque parole parvint à l’oreille de Michet, il commença :

— Camarades, je n’ai pas besoin de vous dire à quelles précautions nous oblige notre misérable condition de salariés. Notre présence à tous dans cet endroit en est la preuve. Ceux que notre travail fait riches et heureux ne veulent pas que nous nous réunissions pour discuter nos intérêts, et de tous les débitants de Mersey, il n’en est pas un seul qui oserait nous prêter sa salle. N’importe ! nous nous en passons…

Des applaudissements et des acclamations, mêlés au cri de : « À bas Chamot ! » bientôt répété par des centaines de voix, l’interrompirent.

— Ah ! gueux ! murmura in petto Michet, pâle de rage, si le patron apparaissait avec des gendarmes, vous ne crieriez plus : « À bas Chamot ! »

Cependant, Ronnot continuait son discours. Sans être orateur, il trouvait des mots, et mieux que des mots, des arguments, pour convaincre ses camarades de la nécessité de s’unir afin de faire contrepoids à la tyrannie patronale. Il allait au-devant des objections possibles, expliquant comment la société, quoique légale, aurait un certain caractère secret, les travailleurs relativement indépendants devant seuls figurer sur des listes officielles, tandis que les autres seraient inscrits sur des listes secrètes.