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tée, pourrait-elle jamais, arrivant sans ressources, sans papiers même, trouver le moindre travail ? On n’attendait, certes, pas après elle.

Et l’une de ces villes, Chôlon, lui causait une indicible impression d’épouvante. C’était là qu’on l’avait menée prisonnière, ainsi que son amant, faisant de celui-ci un forçat et d’elle presque une veuve.

Restaient les campagnes.

Là peut-être pourrait-elle, en s’offrant pour les pénibles besognes, trouver des maîtres qui l’accepteraient sans lui demander de papiers et même satisfaits de sa situation qui leur permettrait de l’exploiter davantage. Céleste connaissait l’âpreté du paysan qui entend avoir dans tout salarié un esclave ; elle se souvenait des brutes qui prétendaient abuser d’elle comme de leur chose et qu’elle avait dû fuir, frémissante de dégoût.

Pourtant, il lui fallait opter : villes ou campagnes. La vie dans les forêts, permise aux sauvages, est interdite par ce qu’il est convenu d’appeler notre civilisation.

Céleste, à tout hasard, prit la route de Véran, celle qui menait aux villes : mais elle pouvait s’arrêter aux fermes isolées ou aux villages.

Les arbres de la forêt s’éclaircissaient dégageant l’horizon tout à l’heure pourpre et maintenant violacé par le récent coucher du soleil. Peu à peu ce violet tournerait au bleu sombre, puis au noir : la nuit se ferait. Avant la nuit, Céleste aurait gagné le premier village dont elle entrevoyait les toits éloignés : peut-être y trouverait-elle un gîte.

Ce village, Véran, comptait à peu près cent cinquante habitants, cultivateurs ou bûcherons, dont les demeures, assez disséminées, couvraient une large étendue de collines boisées, escaladées de vignes. À l’entrée du village s’élevait, flanqué d’un mur à droite et à gauche, un bâtiment plus vaste que les autres. Devant la porte cochère stationnait une voiture char-