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nistes lancèrent de loin le cri de : « À bas les rouges ! Vive Balloche ! » Un autre ajouta : « Vive la patrie ! » établissant ainsi une connexité peu flatteuse entre la France et le sieur Balloche. Peut-être, après tout, entendaient-ils parler du journal la Patrie, auquel la publication des faux documents Norton valait une célébrité de ridicule !

— Mes amis, fit Paryn, n’acclamez jamais un homme quel qu’il soit ; acclamez des idées lorsque vous les aurez reconnues justes et grandes.

— Bravo ! appuya Raulin apparaissant dans la foule.

Une borne se trouvait là : Paryn, par une de ces impulsions dont on ne se rend pas compte, y monta et prononça un discours qui n’était certes pas préparé et qui fut peut-être son meilleur. Discours où les ardeurs généreuses et idéalistes de l’homme jeune encore, que n’avaient pas meurtri les désillusions et l’engrenage parlementaire, se mêlaient à une sagacité pratique.

De quoi parla-t-il ? De tout ; excepté de sa candidature. Il dit la nécessité pour tous les hommes, et surtout pour les déshérités, de s’unir, pour augmenter par leur travail le bien-être de tous et de chacun, le lien naturel que constitue la commune rurale, ou, dans les grandes villes, la corporation professionnelle, la moquerie des formules et des déclamations qui présentent le paysan, l’ouvrier, le salarié comme un homme libre détenant une part de souveraineté populaire, alors que, de par l’ignorance et la faim, cette souveraineté n’existe pas. Il retraça avec chaleur l’histoire du département de Seine-et-Loir, les luttes soutenues courageusement par sa plèbe contre une âpre féodalité, féodalité terrienne d’abord, féodalité industrielle plus tard, tendant à tout envahir, tout accaparer, non seulement les richesses du sous-sol, propriété naturelle des habitants, mais encore les diverses branches d’industrie et de commerce.