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gues féroces, ils vécurent d’une vie calme. Panuel occupait une chambre à droite, au premier étage de la maison, Geneviève et sa fille une chambre à gauche ; au rez-de-chaussée était le débit : une large salle carrée avec un comptoir et quelques casiers, trois tables et des bancs.

Dans cette salle, qui donnait sur la route, Geneviève cousait lorsqu’elle n’était pas occupée à servir. Quand, par aventure, les clients étaient nombreux, Panuel l’aidait, mais ces moments-là étaient rares et, la plupart du temps, le brave homme travaillait à son établi, installé dans la cour sous un hangar pendant la belle saison, et dans un appentis, derrière la salle de débit et la cuisine, lorsque l’hiver venait interdire les travaux en plein air.

Cette auberge isolée, aux murs blanchis à la chaux et aux volets verts, avait un aspect honnête et engageant. Une assez grande cour s’étendait derrière le bâtiment, une cour où picoraient des poules et cabriolaient des lapins.

Dans cette retraite, demi-solitude où vivaient Geneviève et Panuel, la joie innocente d’une enfant de trois ans mettait parfois de la lumière et un sourire.

Berthe était un vivant rayon de soleil. Sa mère, au milieu de sa douleur inconsolable, avait reporté sur elle toute son affection ; Panuel l’adorait et tous deux eussent considéré comme un crime de l’emprisonner dans une atmosphère de deuil, la privant de cette rieuse expansion qui est la santé de l’enfance.

Pouvait-elle savoir ? Pouvait-elle comprendre ?

Plus tard, quand l’enfant aimée serait devenue une fillette courageuse et réfléchie, on lui apprendrait ce que l’iniquité des hommes avait fait de son père : on lui apprendrait à aimer ce père et les idées pour lesquelles il avait été frappé. On ne la bercerait pas du récit d’histoires menteuses. Fille et petite-