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désir de le rapprocher d’elle, et comme ce désir s’accordait avec la bienveillance de Monseigneur, le jeune prêtre passa sur le dos à d’aucuns de ses confrères, plus âgés que lui, mais qui, pour leur malheur, n’étaient pas affiliés aux jésuites.

À Môcon, où ses aptitudes intellectuelles et le charme de son physique pouvaient favoriser son ambition, l’abbé Firot oublia Geneviève et Panuel.

Ce fut heureux pour ceux-ci qui, ayant fait d’une masure quasi abandonnée et acquise par eux à bas prix, l’auberge de l’Étoile solitaire, y vivaient maintenant tranquilles.

Heureuse, certes, Geneviève ne pouvait l’être : trop profonde était la plaie qui lui saignait au cœur. Cette plaie était toujours ouverte, plus avivée même que jamais, car un an après la lettre d’Albert lui annonçant son arrivée dans la colonie et l’exhortant au courage, elle avait cessé de recevoir de ses nouvelles.

Qu’était devenu son mari ? Était-il mort ?

Torturée d’angoisses, et ne sachant que penser, car elle continuait à écrire tous les mois et ses lettres ne lui étaient point retournées avec une mention explicative, elle s’adressa au ministère de la Justice, lequel, après les lenteurs inhérentes à la bureaucratie de l’État, la renvoya au ministère des Colonies, lequel s’informa auprès de l’administration pénitentiaire. Et, au bout d’environ une autre année, Geneviève reçut la communication officielle suivante, transmise de l’administration pénitentiaire aux Colonies et des Colonies à la Justice : « On ignore ce qu’est devenu le transporté Détras (Albert), no 3205, condamné à sept ans de travaux forcés par la cour d’assises de Chôlon, en 1883. »

Qu’avait-on fait d’Albert ? Quelque garde-chiourme l’avait-il assassiné par ordre ou de par son bon plaisir ? Semblables choses arrivent. Ou bien s’était-il