Page:Malato - La Grande Grève.djvu/137

Cette page a été validée par deux contributeurs.

nel. Les souffrances morales, l’approche de la maternité, avaient tracé leur empreinte sur le visage de la jeune femme, tandis que sa taille s’était épaissie. Au contraire, lui toujours coquet, soignant sa personne comme une courtisane, avait vu s’offrir à lui des créatures belles et élégantes qu’il n’eût jamais osé rêver posséder.

Le procès de Chôlon l’avais mis en vedette. L’onction toute séraphique avec laquelle il avait laissé condamner Albert Détras aux travaux forcés avait subjugué des cœurs de mondaines. La comtesse de Fargeuil l’avait pris pour confesseur et directeur de conscience. Directeur de conscience ! Cela voulait dire beaucoup. Huit ou dix mois plus tard, la belle créole disparut, en convalescence, disait-on. Et de fait, son visage portait l’empreinte d’une certaine fatigue ; sa démarche était devenue moins légère. À son tour, l’abbé Firot ne devait pas tarder à quitter Mersey.

Mais ce ne fut pas avant d’avoir fait tout le mal possible à la femme du transporté.

Celle-ci n’avait plus d’appui que Panuel, car sa famille était pauvre et, élevée dans cette soumission des misérables à un ordre social qui les écrase, ne lui pardonnait guère les idées de son mari.

Mais pas un instant Panuel ne l’avait abandonnée. Jamais il n’avait été dépensier, préférant de beaucoup la lecture ou la conversation sérieuse avec des amis à ce qu’il est convenu d’appeler « amusements » ; il réduisit encore ses frais, mettant de côté la moitié de ce qu’il gagnait pour la femme de son ami.

Même avec lui, Geneviève demeurait fière, n’acceptant d’argent qu’à la dernière extrémité, lorsqu’elle avait frappé inutilement à toutes les portes pour se procurer du travail. Aussi était-ce plus souvent des provisions ou des effets que le brave homme lui apportait, afin de lui ôter tout prétexte de les refuser.