Il continua seulement à regarder Bernin et à la fin, la sensation devint trop forte pour que le mouchard pût la supporter. Prêt à défaillir, il se retira chancelant, fermant les yeux.
Il peut sembler étrange qu’un homme aussi peu dénué de scrupules que Bernin fût accessible à une impression toute morale. Pourtant les natures les plus cyniques ont leur moment de faiblesse nerveuse ; puis, il faut tenir compte de la dépression amenée chez l’ancien mouchard par le bagne.
Les autres forçats avaient été témoins de cette scène muette. Ceux arrivés à Kouéta avec Bernin connaissaient l’histoire de ce dernier ; ceux qui s’y trouvaient déjà avec Galfe n’ignoraient pas l’odyssée de celui-ci. Il ne fut pas difficile aux uns et aux autres de pressentir la vérité.
Et tandis qu’une sorte de sympathie discrète s’attachait de plus en plus à Galfe, le mépris et la haine grandissaient autour de Bernin, lui rendant la vie épouvantable.
Il y a chez ces hommes, stigmatisés comme malfaiteurs et qui, cependant, le sont parfois moins que d’autres libres, heureux et triomphants, un instinctif besoin de justice. L’horreur du mouchard, être abject entre tous, domine surtout.
Cette nuit-là, Bernin, qui essaya vainement de fermer les yeux, entendit tous les condamnés venir auprès de son hamac lui cracher les noms les plus ignominieux.
Tous, moins Galfe.
Ce n’était pas que ce dernier eût pardonné à son bourreau. Oh ! non.
S’il se fût trouvé seul à souffrir par le crime de Bernin, peut-être l’anarchiste, se rappelant ses anciennes théories sur l’irresponsabilité humaine, eût-il eu la magnanimité et la force de ne plus voir que l’homme malheureux et non le mouchard.
Mais Galfe, enflammé autrefois par l’amour dans sa