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gnons, soit pitié, soit autre sentiment, s’abstinrent de l’obséder, le laissèrent vivre à part de cette vie du souvenir ou de la rêverie.

Même les gardes-chiourmes finirent par le laisser à peu près tranquille en dehors des corvées qu’il remplissait machinalement.

— Il a une idée fixe, quelque chose dans le ciboulot, pensaient-ils. Encore un bagnard qui finira maboule ! Bah ! ce ne sera ni le premier ni le dernier.

Galfe, en effet, sans être atteint de trouble mental, était sur une pente critique.

D’espoir, il n’en avait pas, ne pouvait en avoir. Vaincu dans son duel avec la société capitaliste, c’était pour la vie que celle-ci l’avait jeté au bagne.

Si courageux qu’il se fût montré dans cette lutte, si ardent qu’eût été son mysticisme révolutionnaire, il y avait en lui comme un ressort brisé. Le présent étant horrible, l’avenir devant n’être que la continuation de ce présent, sa pensée, instinctivement, se rivait au passé, c’est-à-dire au rêve.

Or, si ce rêve, prolongé depuis dix ans, l’isolait en esprit du monde de douleurs et d’ignominies dans lequel matériellement il vivait, il n’en est pas moins vrai que l’idée fixe ou la rêverie ininterrompue peut insensiblement conduire à la démence.

Cette apathie, cette torpeur morale, gagnait peu à peu chaque jour. Maintenant, Mersey même et la cabane du bois de Varne commençaient à s’effacer de son esprit ; seule subsistait l’image de Céleste, mais comme enveloppée d’un voile qui, d’abord léger, transparent, finirait peut-être par se faire lourd et l’obscurcir.

Ce voile allait-il s’étendre sur le cerveau même de Galfe, destiné à sombrer, au bout de quelques années, dans l’hébétude ?

Nous n’osons pas répondre à cette question, car il est indéniable que l’esprit même de révolutionnaires