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ami du peuple, un homme qui sait beaucoup et qui, néanmoins, ne vous écrase pas de ses grandes phrases. J’aime cela.

Albert Détras fit un signe d’approbation. Panuel ne dit rien. Celui-ci, un ouvrier menuisier travaillant pour son compte, restait indépendant, et aussi méfiant par caractère. Mais il avait le cœur loyal. Ancien ami du père Détras, il demeurait l’ami du fils, tout autant.

Évidemment le conférencier ne lui avait pas produit mauvaise impression, mais il fallait attendre son discours avant de le juger.

La matinée du lendemain fut employée par Baladier que guidait Ronnot à visiter quelques mineurs, de ceux, lui disait son hôte, qui avaient des idées. Le mouchard les laissait causer, accentuant d’un mot leurs revendications et leurs colères, notant ceux qui lui paraissaient hommes à se laisser entraîner. Parfois il les interrogeait sur les conditions du travail : l’aération des puits était-elle suffisante ? n’y avait-il pas eu plusieurs coups de grisou au puits Saint-Jules depuis le commencement de l’année ? Il lui semblait bien se rappeler que si. Mineurs et manœuvres s’entendaient-ils bien ? C’était indispensable car, « voyez-vous, citoyens, la solidarité seule assurera la victoire des exploités. » Et Chamot, ce misérable vampire, se hasardait-il quelquefois à descendre dans la mine, au milieu de ses victimes ? Pas souvent, n’est-ce pas ! Il redoute l’explosion de colères bien légitimes. Mais viendra le jour du grand règlement de comptes !

Les mineurs flattés dans leurs espoirs et leurs rancunes d’opprimés, vidaient leur cœur gonflé de souffrances. Ils se sentaient attirés vers ce propagandiste s’intéressant aux détails de leur vie quotidienne et qui évoquait l’avènement des temps meilleurs.

Baladier voulut jeter un coup d’œil sur les chantiers déserts, les magasins fermés et les bureaux de la direction. Dans le repos de cette journée dominicale, nul être vivant n’apparaissait.