qu’elle avait fait. Réparer ce mal, le pouvait-elle jamais !
Non ! Il appartenait à l’homme véritablement homme, c’est-à-dire conscient et énergique, de n’abdiquer devant aucune autorité, d’être lui-même le juge et le soldat de sa cause.
Ah ! certes, tout en s’efforçant de demeurer maître de lui, il n’était pas un résigné. Si l’amnistie ou une grâce — une grâce alors qu’il n’avait commis aucun crime ! — tardait trop, eh bien, il tenterait de reprendre n’importe comment cette liberté dont on l’avait indignement privé.
Par ces vagues rumeurs qui courent au bagne et que colportent les condamnés au passage dans les camps, il apprit l’arrivée à l’île Nou de Galfe, parti de France trois mois après lui, mais sur un transport dont la marche avait été beaucoup plus rapide.
« Si nous pouvions être réunis ! » pensa-t-il.
La santé de Janteau périclitait à vue d’œil. Depuis quatre mois, le détachement campait à Bouraké, les travaux semblaient reculer au lieu d’avancer. La paresse concevable des condamnés et les calculs intéressés de Carmellini se trouvaient d’accord pour faire traîner les choses.
Mais le régime n’en était pas moins des plus cruels et des plus épuisants.
Les vols du surveillant et ceux du condamné distributeur étaient tels que les forçats, mourant d’inanition, allaient brouter l’herbe comme des bestiaux ; l’un d’eux fit cuire des feuilles de taro sauvage, en goûta et mourut empoisonné dans d’épouvantables souffrances. Il y avait bien un jardin produisant des légumes, mais c’était celui de Carmellini. Les forçats qui le cultivaient avaient tout juste le droit de ramasser les épluchures de choux et de carottes.
Un matin, Janteau se sentit trop faible pour aller travailler.