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vent à recommander un homme qui peut être un sincère comme aussi un écervelé ou un traître.

De la meilleure foi du monde, les membres du groupe lyonnais La Solidarité sociale avaient donc décerné à Baladier le plus élogieux brevet de révolutionnarisme. Il parlait bien, écrivait de même et vivait de l’existence misérable du prolétaire ; comment n’eût-il pas été au-dessus de tout soupçon ?

Arrivé à Mersey le samedi soir, le conférencier fut aussitôt présenté par son hôte à Détras, Vilaud, Janteau, Panuel réunis chez Ronnot. Las de subir le joug du capitalisme autocratique et du cléricalisme triomphant, ceux-ci rêvaient d’affranchir les mineurs, de leur donner conscience de leur propre force et de leur valeur. Leur idée première s’arrêtait à la création d’une société de secours mutuels et d’une caisse de grève, permettant la lutte contre le patronat.

N’ayant pu trouver à Mersey-les-Mines une salle de réunion, car tous les commerçants de la ville restaient sous la dépendance de Chamot et le redoutaient, Détras, fils d’un ancien déporté de la Commune qui avait osé, malgré Chamot et le curé de Mersey vouloir être enterré civilement et l’avait été au grand scandale de la population asservie, Détras, disons-nous n’hésita pas à proposer à ses camarades de se réunir dans les bois, sous le grand manteau du ciel étoilé.

Dès l’arrivée de l’orateur, il y eut un moment d’observation : Baladier, très circonspect sous des allures rondes, étudiait le tempérament des mineurs, avant d’affirmer le sien. Ce moment dura peu ; bien vite la cordialité apparente du nouveau venu lui acquit les sympathies de ces hommes rudes et francs, incapables de dissimuler longuement leurs sentiments.

— Celui-là c’est un bon ! affirma avec force Janteau lorsque, avec ses trois autres camarades, il eut pris congé de Ronnot et de Baladier.

— Oui, fit Vilaud, on voit que c’est un véritable