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des Gourdes comme le champion naturel de l’Église dans la contrée.

Le moment venu, ce clergé donnerait comme un seul homme en faveur de des Gourdes et, par les femmes, ferait marcher les électeurs.

Quant aux autorités militaires, imbues d’esprit ultra-réactionnaire, elles eussent été ravies que des agitations semblables à celles de l’année 1882 leur donnassent l’occasion de mater une fois encore les mécontents. Quoi de plus glorieux que de tuer, sinon de mourir, pour le capital ?

Et puis, des Gourdes était un ancien officier, élève des bons Pères comme la plupart des jeunes gens sortis de Saint-Cyr, pour commander par droit de naissance et d’éducation aux fils d’ouvriers et de paysans.

Aussi les colonels, commandants et capitaines étaient-ils fréquemment invités par lui tant à Chôlon qu’à Mersey. Dans le salon de la baronne se poursuivait discrètement un travail d’embauchage auprès de ceux de ces officiers qui n’étaient pas, d’ores et déjà, acquis à l’idée d’un futur mouvement contre la République. Mais le nombre en était minime ; la plupart ne dissimulaient même pas leurs sympathies ouvertes pour la Royauté ou l’Empire. Royauté ou Empire ? De cette divergence, des Gourdes s’inquiétait peu : l’essentiel pour lui était l’étranglement de « la gueuse » ; il savait bien que, sous la Monarchie ou l’Empire, les véritables maîtres du pouvoir, maîtres occultes, seraient ses amis, les jésuites.

Des Gourdes ne croyait pas que cette transformation de régime pût s’accomplir pacifiquement par la seule voie parlementaire. Certes, s’il arrivait une majorité monarchiste à la Chambre, ce serait tant mieux : cette majorité pourrait préparer le terrain. Mais même alors un coup de force serait indispensable, et pour que ce coup de force réussît, il fallait que les hauts grades de l’armée et toutes les admi-