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sorte que nous devons nous adresser aux bourgeois qui, le plus souvent, se fichent de nous.

— Oui, appuya avec force Bussy, ce n’est pas tous les jours qu’il nous arrive d’en rencontrer de bons comme vous : aussi nous ne vous lâcherons pas.

— Mais, protesta Paryn, qu’appelez-vous bourgeois ? Je suis, ce me semble, un travailleur comme vous, exerçant ma profession sans exploiter personne. Combien s’intitulent ouvriers et n’en pourraient dire autant !

Il s’efforça d’expliquer à ces braves gens qu’il ne faut pas juger des hommes sur la mise. Arborer une blouse, même à la Chambre des députés, ne voulait rien dire ; l’ennemi est l’oisif qui s’enrichit du labeur d’autrui et non l’individu portant chapeau haut de forme.

— Certainement, il y a du vrai dans ce que vous dites, fit Poulet. Nous le sentons bien ; la preuve c’est que nous venons vous chercher.

— C’est entendu ? Vous acceptez, n’est-ce pas ? ajouta Petit sous une forme interrogative, mais qui était en même temps une affirmation.

— Eh bien oui, répondit le docteur.

Son parti était pris. La démarche des électeurs de Climy répondait trop bien aux aspirations qui l’entraînaient vers les mêlées politiques pour qu’il hésitât plus longtemps. Ce qui jusqu’alors avait répugné à son caractère, c’étaient les démarches habituelles aux candidats, les manœuvres nécessaires pour se créer un parti ; mais puisque ce parti existait, puisque les électeurs venaient eux-mêmes le trouver, il ne reculerait pas : il se lancerait et de toute sa vigueur dans la lutte à coups de bulletins.

Les visiteurs de Paryn se retirèrent enchantés, comme s’ils eussent déjà terrassé la réaction, Poulet sifflant la Marseillaise, ce qui était chez lui l’indice de la satisfaction la plus intense.