Page:Malato - La Grande Grève.djvu/103

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Par quels procédés de corruption et de mensonge ne le déshonorait-on pas chaque jour ? Il se représentait l’âpreté des concurrents, se ruant non à la bataille pour une idée, mais à la curée pour des émoluments et des honneurs, les pièges perfides, les accusations calomnieuses, les manœuvres de la dernière heure, toute cette artillerie de l’ennemi qui le guettait pour l’accabler, lui dont la vie avait été irréprochable. Respecté jusqu’alors, sauf des feuilles réactionnaires à la dévotion de des Gourdes, il serait, à peine devenu candidat, insulté, calomnié, traîné aux gémonies : c’était ça la politique !

Pourtant, il n’était pas un contemplatif : son tempérament tout d’activité l’éloignait de ce qu’il appelait « les théories à grande distance ». Puisqu’il se refusait à en appeler à la force, il ne restait que le suffrage universel. Ne convenait-il pas de l’employer tel qu’il était, sans attendre qu’il se fût épuré, ce qui n’arriverait peut-être pas de sitôt ?

— Eh bien, citoyen ? demanda Poulet.

Lui et ses compagnons avaient respecté la méditation du docteur. Maintenant, ils s’apprêtaient à faire valoir leurs arguments.

— Il n’y a pas ici un homme comme vous pour tenir tête aux réacs, affirma Petit.

Paryn sourit. Cette déclaration, qu’il savait exempte d’idée de flatterie, lui faisait plaisir. C’était une reconnaissance enthousiaste, mais sincère des efforts énergiques que, pendant des années, il avait déployés.

— Oui, reprit le forgeron, c’est la pure vérité. Pour tout dire, j’aurais préféré, citoyen, que vous soyez un ouvrier comme nous.

— Tiens ! et pourquoi ?

— Parce que les ouvriers sont la classe abaissée. Malheureusement, l’instruction leur manque ; de