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Poindi-Patchili, servaient alternativement de tampon et de pomme de discorde entre ces deux personnages influents.

Le père Roussel était un homme énergique et d’une ambition remuante, qui, coiffé de la tiare, eût fait un pape Jules II. Il connaissait admirablement le dialecte du pays, assez différent des dialectes voisins, ce qui tient peut-être à l’origine disparate de ces tribus, formées il n’y a pas deux cents ans, de réfugiés d’un peu partout. Ayant établi son influence à Wagap, il rêva de la faire rayonner le plus loin possible et, quand la persuasion n’opérait pas, le saint homme, enflammant ses ouailles et se mettant courageusement à leur tête, allait convertir ses opiniâtres voisins, manu militari.

Comme nombre d’autres chefs, Poindi-Patchili n’aimait pas ces étrangers à robe noire qui, avec des dehors modestes, venaient substituer leur autorité à celle des autocrates indigènes. Non seulement, il professait le plus parfait dédain pour le mystère de la Sainte-Trinité, mais encore il était résolu à maintenir énergiquement ce qu’il considérait comme ses droits. Les catholiques de Wagap ayant, pour la dixième fois, molesté leurs frères infidèles, Poindi-Patchili leva le drapeau de la révolte, — métaphore hardie s’il en fût, le seul linge usité par les canaques païens étant celui qui leur couvre les parties sexuelles.

Le père Roussel, malgré ses aptitudes guerrières, fut contraint de crier au secours. Poindi-Patchili, que j’ai personnellement connu depuis, était un gaillard d’au moins six pieds, à mine martiale, qui ne boudait pas devant les sagaïes ni même devant les chassepots. Un capitaine, avec soixante-quinze fantassins de marine et