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télégraphique ayant à sa tête un orientaliste distingué, Charles Lemire, était depuis quelque temps arrivée dans le pays dont elle se proposait de faire communiquer les différents centres par une ligne aérienne longeant entièrement la côte. Indépendante et scientifique d’allures, cette administration n’avait rien qui pût choquer les susceptibilités : en outre, il y avait la perspective bien alléchante pour un jeune homme nourri de Jules Verne et de Mayne-Reid, d’aller explorer cette brousse encore sauvage, de nouer des relations avec les derniers anthropophages, d’étudier sur place les dialectes et les mœurs. Quel beau rêve ! Aussi, cette fois, n’hésitai-je pas ; j’offris mes services et, le 14 janvier 1876, fus officiellement nommé employé colonial de troisième classe aux appointements de deux mille francs par an avec la ration de vivres en nature.

Le service télégraphique était l’un des rares qui eût un bon personnel et fonctionnât convenablement. Son directeur, le « père Lemire », comme nous l’appelions, était très aimé. Quelques employés de la métropole, passés ici au rang de grands personnages l’entouraient. C’étaient : Guette, le contrôleur, grand et beau brun, aux victorieuses moustaches, habile, instruit et enclin au radicalisme ; Tant, excellent garçon, qui ne craignit pas d’épouser une fille de déporté… après l’amnistie ; Venturini, Corse de la vieille roche, irascible et pointilleux, qui remplaça plus tard avec avantage un de ses compatriotes à la direction des Postes ; Simonin, chef surveillant des lignes, fort gaillard à la barbe fluviale et dorée bien qu’il fût du midi ; ancien second maître de la flotte, il portait volontiers sa médaille et unissait la ponctualité d’un vieux militaire à un léger vernis de sen-