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avec une frénésie sans pareille et se retenait à grand’peine de le mettre en pièces.

Audet, qui n’était, en réalité, qu’un garde-chiourme de seconde classe, délégué aux fonctions commissariales vu ses merveilleuses aptitudes policières, fut, par la suite, révoqué. À force de platitudes, il reparut dans une place très subalterne, puis finit dans une affaire de viol. Il n’est aucun déporté qui n’ait gardé de lui un souvenir de haine ou de mépris.

Cet être avait pour digne supérieur le lieutenant-colonel Charrière, directeur de l’administration pénitentiaire. Après le gouverneur, autocrate qu’assistait pour la forme son Conseil privé, le commandant militaire et le directeur de l’administration pénitentiaire étaient les deux plus gros bonnets de la colonie. Aussi, tout tremblait-il devant Charrière, tyran cruel et chapardeur, parent par le caractère des Marcerou et des Gallifet. Il eût été de taille à faire écorcher un homme par plaisir, mais il n’eût pas manqué ensuite d’en vendre la peau : ironie des choses : il se prénommait Aristide !

Un exemple de ses vols, entre mille. Un transport venait de débarquer, à destination de l’administration pénitentiaire, un certain nombre de barriques de vin. Celui qu’on expédie de France à la Nouvelle-Calédonie est généralement bon ou, du moins, riche en alcool : autrement il ne supporterait pas la traversée. Charrière n’en fit pas moins refuser ce vin comme impotable et, fonctionnaire soucieux des deniers de l’État, le vendit, — à vil prix naturellement, — à un honorable commerçant qui se trouva là à point nommé. Quelques jours plus tard, le même commerçant revendit le même vin à la même administration, qui le trouva excellent, cette