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avaient joui d’un instant de détente. On avait tant besoin d’eux ! Sans le budget de la déportation et le personnel qu’il permettait d’entretenir, la Nouvelle-Calédonie, en ce moment galvanisée, fût retombée dans son effacement et sa torpeur mortelle. Puis, où trouver des ouvriers, surtout des ouvriers d’art, comparables à ces Parisiens, enfants de Montmartre ou du faubourg Saint-Antoine ? Ce n’était certes point parmi les forçats, pour la plupart hommes des champs ou étrangers à toute profession. Depuis les routes de l’île des Pins jusqu’à ces coffrets de santal et de bois de rose, merveilleusement ouvragés, c’étaient les déportés qui faisaient tout. Aussi, le gouverneur Gaulthier de la Richerie se montra-t-il relativement bonasse envers eux : il toléra le séjour d’un certain nombre sur la Grande-Terre, autorisa les déportés de la presqu’île Ducos à se rendre à Nouméa, permit même des promenades en mer. L’occasion était vraiment trop belle : Henri Rochefort comprit que son devoir d’homme d’esprit était de ne pas moisir davantage dans la colonie pénitentiaire. Ses ressources pécuniaires le lui permettant, il s’échappa, le 18 mars 1874, au bout de trois mois de séjour, suivi par ses amis Pain, Grousset, Jourde, Ballière et Grantil.

Cette évasion fut un véritable coup de foudre. De la Richerie en tomba, le premier, assommé. En même temps son successeur intérimaire, le colonel Alleyron prenait des mesures draconiennes, renvoyant les déportés qui à la presqu’île Ducos, qui à l’île des Pins, tandis que le contre-amiral Ribourt, envoyé de France pour faire une enquête, expulsait de la colonie des négociants libres, comme M. Puech, parfaitement étrangers à l’affaire, mais suspects pour leurs tendances libé-