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et dont la moitié ne voulait pas se battre. Quelle erreur ! Cette initiative qui manque à la foule, efforçons-nous de la faire naître, de la développer, mais en attendant qu’elle vienne, ne renonçons pas à la nôtre.

Que le lecteur ne voit pas dans ces lignes une attaque à des camarades dignes de toute estime. Comme propagandiste personne n’a fait autant que Tortelier : travailleur laborieux et modeste qui, des années durant, a craché ses poumons pour convertir ses frères de misère à ce qu’il sentait vrai et juste, s’élevant souvent, lui prolétaire sans autre culture que celle qu’il s’est donnée, à d’admirables hauteurs d’éloquence. Jacques Roux, Pouget, Malatesta sont, parmi les connus, les hommes avec lesquels je marcherais en période révolutionnaire, mais à Tortelier, je dus sinon ma conversion à l’anarchisme, — il me fallut plus d’un jour pour cela, — du moins la première impression favorable à cet idéal.

C’était, bien avant la création du groupe cosmopolite, au Cirque d’Hiver, à un meeting blanquo-guesdiste tenu pour protester contre l’exécution mystérieuse mais probable d’Olivier Pain par les Anglais. Vaillant présidait, très solennel, après les discours de Guesde, Chauvière, Girault, Susini, presque tous tirés à quatre épingles, un homme de taille moyenne et trapue, à la physionomie intelligente, vêtu très proprement en travailleur, se présenta au bureau et demanda la parole. Vaillant la lui refusa : il avait reconnu l’ennemi libertaire. Mais la salle, choquée d’un procédé aussi peu égalitaire chez un champion de la démocratie rutilante, protesta, bien que composée de soldats disciplinés du socialisme étatiste : sans doute, elle avait été moins clairvoyante que le prési-