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Une de nos premières recrues fut Alain Gouzien, alors âgé de dix-neuf ans et qui avait déjà glissé des articles dans quelques journaux socialistes. Il était doué d’une mémoire extraordinaire et d’une fiévreuse activité qui lui faisait tantôt nous rendre de grands services, tantôt nous compromettre horriblement.

Nous le bombardâmes notre trésorier, fonction peu ardue. Depuis, il a fait parler de lui, créé des groupes, des feuilles éphémères comme le fut la nôtre, foudroyé des contradicteurs dans des réunions publiques, tantôt gamin, tantôt meneur influent et, au retour de son service militaire, fini piteusement à la France chrétienne, sous-ordre de l’immonde Léo Taxil. Pauvre Gouzien ! Il eût pu trouver mieux. Il n’avait aucune méchanceté et me témoignait une sympathie sincère. Un peu de mysticisme et les promesses du jésuite pornographe le firent choir. Au lendemain de sa conversion (!) il ne bava pas sur ses anciens amis, d’ailleurs, profitant des tendances ultra-idéalistes d’un grand nombre d’anarchistes, les séculaires ennemis de tout affranchissement, masqués en socialistes chrétiens, cherchaient à nous attirer à eux. Ils n’attirèrent guère que Gouzien et un pauvre diable sans aucune valeur, du nom de Bebin.

Il est rare de traverser une période d’ébullition révolutionnaire sans voir surgir l’inoubliable type du faiseur de systèmes. Un vieux monsieur, du nom de Lagrue, qui paraissait excellent homme quoique un peu raseur, vint nous communiquer les plans de son Crédit-Impôt, panacée capable, selon lui, de résoudre pacifiquement la question sociale et dont il demandait en vain l’application aux divers gouvernements depuis 1848. Après