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sans avoir eu le temps de se reconnaître : il était libre-penseur déclaré et, malgré nos protestations, l’aumônier vint officier sur son cadavre. Je me rappelle encore le frémissement d’indignation qui courut parmi nous, à l’apparition de ce noir oiseau de proie : d’un mouvement unanime, nous fîmes le vide autour de lui et ne revînmes auprès du sac où gisait le mort qu’une fois le débitant de latin retiré. Deux minutes après, l’immersion était accomplie avec les honneurs usuels. Ces honneurs furent refusés à l’amnistié qui mourut ensuite, — j’ai oublié son nom, — et qui, conservant jusqu’au bout sa lucidité, signifia sa volonté d’être jeté à l’eau sans oremus. La guerre était nettement déclarée entre nous et l’autocrate du bord. Le troisième camarade, Lenôtre, mourut entre le cap Horn et Sainte-Hélène. Sans doute, Brown, tout de Colstown qu’il était, craignit-il l’effet des protestations adressées par les amnistiés de marque aux députés et journalistes libres-penseurs, car il capitula et le défenseur de la Commune disparut dans les profondeurs de l’Océan, salué par une décharge de mousqueterie et le balancement des couleurs.

Huit ans ont passé depuis cette époque ; les prêtres, fidèles à leur vieille tactique, se sont efforcés d’attirer dans les chemins de traverse le grand mouvement démocratique révolutionnaire qu’ils ne pouvaient vaincre de face : ils se sont collé masque socialiste, anarchiste même sur le visage, quitte à faire massacrer, — et avec quelle pieuse joie ! — au jour de leur victoire, anarchistes et socialistes, leurs dupes de la veille.

En 1881, les revenants de la Commune se rappelaient que Varlin avait été dénoncé aux tortureurs par un prêtre, que les hommes-liges du Gesù avaient poussé à la