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sous les cocotiers du monde océanien, ont dû nous retremper pour les combats de la société civilisée, — civilisée ! Nous ne sommes pas plus riches qu’à notre arrivée, mais qu’importe ! Et voilà qu’une lettre de France nous annonce la mort d’une parente avare et riche dont je serais naturellement héritier. Du coup, mon père s’imagine que tout va pour le mieux, sauf la défunte ; moi pas ; j’entrevois la silhouette d’un oncle coureur de succession, médecin militaire bonapartiste qui nous exècre et sera enchanté de damer le pion à des communards. Beautés de la famille !

Je demande ma rentrée au chef-lieu, et un jeune collègue, Desruisseaux, vient me remplacer.

Adieu, Thio, ses mines et ses mineurs, ses mercantis rapaces, ses débris indigènes et son fourbe missionnaire ! Deux Canaques pour porter mon bagage, un cheval pour franchir les quarante lieues me séparant de Nouméa et… en route !

En soixante heures de chevauchée, montagnes, forêts, rivières, marécages disparaissent successivement. Dans mon impatience, je dépasse et perds de vue mes compagnons. Encore une nuit passée à la belle étoile, revolver au poing, dans la plaine de Cocétolocoa et, le lendemain soir, je foulais le pavé de Nouméa.

Le 18 février 1881, ma démission ayant été acceptée, nous nous embarquâmes sur le vaisseau la Loire, qui appareilla, le lendemain matin, à destination de Brest.