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ture, se mêla aux indigènes, partagea leur vie et apprit leurs dialectes qu’il parlait à la perfection. Néanmoins, il était tourmenté du désir de savoir et, avec une courageuse ténacité, ne laissa de répit au mariste que celui-ci ne l’eût initié aux doubles mystères de l’alphabet et de l’addition.

Lorsque je le connus, il comptait vingt ans et en avait passé seize auprès des sauvages Touaourous ; je l’appelais en riant « un Canaque blanc. » On ne pouvait trouver de nature plus droite ni plus courageuse. Exception faite des missionnaires, c’était, de tous les Européens que j’ai connus, celui qui possédait le mieux la Nouvelle-Calédonie. Je lui dois une partie de mes notes sur les dialectes et les légendes et, longtemps après mon retour en France, nous étions encore en relations épistolaires, lui m’adressant avec une infatigable ardeur tous les renseignements qu’il pouvait glaner. À une époque où mes préjugés bourgeois n’étaient point dissipés, il m’apparut comme la preuve que, à l’instruction près, les primitifs ne sont inférieurs ni moralement ni intellectuellement aux fruits hâtifs de notre civilisation.

De mon côté, j’appris à Delhumeau la soustraction et la multiplication. La dernière des quatre règles restait seule inexplorée, lorsqu’il dut me dire adieu pour tenter fortune dans le nord. Ce brave cœur bat-il toujours ? Qui le sait ? Les meilleurs ne disparaissent-ils pas les premiers ?

Cependant, la grande nouvelle, attendue impatiemment depuis tant d’années, arriva sur les ailes du télégraphe européo-australien, éclatant comme une tumultueuse fanfare de délivrance : l’amnistie ! La colonie en tressaillit depuis la baie du Sud jusqu’à la pointe de