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ques et thermométriques. Il s’en prévalait alors pour prophétiser le temps, à l’instar des sorciers et faiseurs d’eau, faisant gober sans peine à ses fidèles émerveillés que cette prescience lui était venue d’en haut. Lorsque j’eus été mis au fait, je vengeai la crédulité populaire surprise, en communiquant à l’astucieux mariste des renseignements météorologiques peu exacts. J’ignore comment les deux pères, le révérend et l’Éternel, se sont tirés de là ; toujours est-il qu’au bout d’un certain temps, l’homme de Dieu s’abstint de m’envoyer son commissionnaire. Peut-être s’absorbait-il dans son harem dont la belle Flore et le jeune Nabori étaient les plus aimables ornements.

Ce charlatanisme clérical ne se bornait malheureusement pas là : il allait beaucoup plus loin, sans s’arrêter au choix des moyens, comme le prouvera l’histoire suivante, trop grave pour que je m’y permette la moindre inexactitude.

La tribu de Thio, forte seulement de trois cents âmes, était gouvernée par un crétin de la plus belle eau, Philippo Dopoua, docile instrument du père Morris. Ce pauvre hère avait pour suzerain le grand-chef Kary, résidant à trois lieues de là, à Bourendy. Entre les deux Océaniens, quelle différence ! le vassal presque aussi piètre au physique qu’au moral ; l’autre, au contraire, un colosse comme Nundo, mais avec une figure plus avenante et un tout autre caractère. Intelligent, brave, hospitalier, le grand-chef avait toujours refusé de se laisser convertir : aussi le père Morris le poursuivait-il d’une haine toute chrétienne.

L’insurrection éclata : le missionnaire tenta aussitôt de faire passer Kary pour rebelle et par les armes, l’un