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Nouméa dans l’administration, la plupart repartirent pour la vieille Europe, emportant au cœur l’âpre rancune de leur espoir trompé.

À mentionner aussi Mérano, un brave Toulousain que les nécessités de la vie poussaient à aller faire le commerçant sous les tropiques et qui, dans son propre pays, eût fait un fort bon chanteur. Il avait une superbe voix de basse et, à tout instant de la journée, nous l’entendions trémoler :

La blonde enfant de la colline
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ou :

Pourquoi passer si tôt, temps heureux des chimères ?
.   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   .   ..   .   .   .   .   .   .   .

D’autres fredonnaient les Cuirassiers de Reischoffen, les Petits enfants de l’Alsace ou des bribes de la Fille de Madame Angot, encore en vogue à ce moment. Pendant cette traversée pénible, dont la monotonie n’était guère coupée que par des disputes, hommes et femmes s’égosillaient à qui mieux mieux. Les chansons patriotiques et sentimentales dominaient, puis quelques compositions égrillardes d’une poésie douteuse ; les enfants organisaient des rondes comme à terre et répétaient les vieux airs ingénus que nous avons tous connus.

Près de vingt ans nous séparent de cette époque : on chantait encore et, bien que le stupide refrain du café-concert eût déjà conquis sa vogue, il ne primait pas comme aujourd’hui. La génération présente, ou bien raisonne à froid et ne chante pas du tout ou bien se vautre dans l’orgie grossière et alors se contente de