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gendaire 101e bataillon, qui fit tant de mal aux Versaillais et utilisa ses avant-dernières cartouches sur les Dominicains d’Arcueil. Je n’ai jamais connu meilleure pâte d’homme : il devait, lui aussi, mourir noyé peu après mon départ.

Baudin était le gardien d’un vaste terrain acquis par l’ex-mercanti de l’île des Pins, Mourot, dont j’ai parlé au début de ce livre. La culture d’un microscopique jardin et la chasse au gibier emplumé, qu’il abattait comme de simples soldats de Mac-Mahon, n’absorbant ni toutes ses forces ni tous ses loisirs, le défenseur de la Commune soupirait fort après la compagne inconnue qui eût allégé sa solitude en la partageant.

Je me trouvais moi-même dans une situation irritante, la mort de madame Panié, que je n’avais jamais connue qu’en tout bien tout honneur, réduisait le beau sexe européen à deux représentants : une Anglaise quinquagénaire et vertueusement acariâtre, une Espagnole buvant comme la Pologne et la Suisse réunies et paraissant âgée de soixante ans, bien qu’elle n’en comptât que quarante-neuf. Je me contentais d’admirer de loin ces deux dames, d’ailleurs en puissance de mari. Quant aux popinés, le missionnaire leur défendait, sous peine des flammes éternelles, de nous gratifier de leur visite et, à plus forte raison de leurs faveurs. Le vieux sagouin, qui pratiquait éclectiquement l’amour sous toutes ses faces, initiant les deux sexes à une corruption dont eût rougi Pétrone, se riait de nos souffrances de célibataires. Gredin ! j’ai tout de même réussi à te faire cocu.

Sur ces entrefaites, Baudin et moi apprîmes qu’une ravissante indigène, d’environ quatorze années, était à vendre dans le village du chef Kaké pour la somme dé-