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trer enchantée. « Errare postalum est, sed perseverare signoricum », avait écrit Locamus : signorifisme devint par toute l’île synonyme de philosophie insouciante et gaie.

Louise Michel, confinée, pendant si longtemps dans l’étroit périmètre de la presqu’île Ducos, s’était éprise des sauvages, dont elle avait pu voir près d’elle quelques beaux échantillons. L’un d’eux, Daoumi, auquel elle avait eu la patience d’apprendre à lire, lui avait, en échange, communiqué d’intéressants détails sur cette vie primitive, dans laquelle notre amie eût voulu s’ensevelir, loin des dirigeants et des exploiteurs. Bien des années après, nous eûmes grand’peine, mon père et moi, à la dissuader de retourner d’Europe en Nouvelle-Calédonie, ouvrir, dans la brousse, des écoles pour les petits Canaques. Ce que les missionnaires l’eussent vite fait disparaître !

De mon côté, j’étais rentré au chef-lieu les poches bourrées de notes écrites et l’esprit saturé d’observations.

Je livrai le tout à Louise, dont l’érudition encyclopédique s’augmenta dès lors de trois ou quatre dialectes qui, dans une génération n’existeront vraisemblablement plus qu’à l’état de souvenirs. La bravoure de cette ancienne institutrice n’avait d’égale que son inépuisable générosité, car, bien des fois, elle se privait de repas pour donner aux quémandeurs les moins intéressants : elle me proposa un jour une exploration pédestre, à deux, le long de ce littoral où, pendant longtemps, les voyageurs n’osèrent s’aventurer.

Mais les humains proposent et les événements disposent : je fus brusquement rappelé du rêve à la réalité