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ceaux d’ignames ou de bananes cuites de la même façon.

L’insurrection de 1875 donna aux vieux Canaques l’occasion de communiquer à la jeune génération leurs petits talents culinaires. Parmi les pauvres diables qui firent les frais de ces balthazars, fut un marin bien connu sur la côte, le père Marianne qui, avec l’équipage de trois petits caboteurs lui appartenant, tomba sous le casse-tête d’abord, puis sous la dent des anthropophages. Chargés de ravitailler une colonne de troupes qui opérait entre Bourail et Koné, ils furent surpris, à quelques brasses seulement de la côte, abordés et massacrés jusqu’au dernier. Lorsque, deux jours après, les soldats affamés, battant les marécages du littoral, à la recherche de leurs ravitailleurs, arrivèrent sur les lieux, ils trouvèrent des paniers indigènes remplis de viande. Un militaire qui ne sentait plus son estomac, avait déjà attaqué à belles dents ces comestibles providentiels, lorsqu’un de ses camarades accourut tenant un membre humain. À cette vue, le mangeur vomit et s’évanouit.

Antérieurement à la révolte d’Ataï, le chiffre total des bureaux télégraphiques, grands et petits, existant dans la colonie, n’était que de dix-huit : les nécessités firent considérablement augmenter ce nombre. Certains étaient fort exposés : à Thiô, l’attitude des Canaques contraignit le gérant du télégraphe, ainsi que la population presque entière à se retirer en hâte sur Canala. Seul, le mercanti Lacombe et deux vieux durs-à-cuire, qui ne voulaient pas abandonner leurs pénates demeurèrent, patrouillant, dans la journée, d’une habitation à l’autre et, la nuit, allant coucher dans un îlot où ils faisaient bonne garde.