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de leur cage et montaient prendre l’air sur le pont. Le port, autorisé, de la barbe et des moustaches les distinguait des forçats rasés, eux, comme des esclaves. À ces derniers seulement s’applique la qualification de « transportés », qu’il ne faut pas confondre avec l’autre : un déporté est un ennemi politique vaincu, auquel les épiciers libéraux de Nouméa condescendent à serrer la main sans trop rougir ; un transporté est un vulgaire malfaiteur, un paria.

En général, les forçats, n’étant pas soutenus par une idée supérieure, se montrent serviles devant le garde-chiourme : aussi celui-ci les préfère-t-il au déporté raisonneur et fier. Les surveillants militaires qui, à bord du Var, gardaient les droits communs, se montraient de beaucoup moins rudes que les gendarmes chargés de veiller sur les communards. « Si c’est un transporté, soignez-le ; si c’est un déporté, laissez-le crever, » telle est l’aimable recommandation que donnait au médecin de la Dives le capitaine Lucas. Celui-ci, peu après avoir prononcé cette parole, est mort comme un chien, au milieu des souffrances de la dysenterie, ce qui ferait presque croire à la fameuse justice immanente des choses !

Les officiers du Var, il faut le reconnaître, ne se montraient pas féroces à l’excès. Envers la vile multitude, ils apparaissaient bien plus indifférents que tracassiers : il semblait que, pour eux, la vie s’arrêtât au « carré ».

Immigrants et immigrantes libres, bien que, intellectuellement, au-dessous des déportés, n’en étaient pas moins curieux à étudier. Là aussi, on rencontrait des types bizarres.