Page:Malato - De la Commune à l'anarchie, Tresse et Stock, 1894.djvu/199

Cette page a été validée par deux contributeurs.

terre assez brisée, distante peut-être d’un kilomètre.

Comme je me disais que l’endroit était propice à une embuscade, un point rouge tranchant sur le feuillage d’un cocotier attira mon attention. Je le montrai à ma mère et nous ne tardâmes pas découvrir ce que c’était : rien moins qu’une vigie indigène, placée là pour signaler notre retour aux autres, les faux-cultivateurs que nous avions aperçus à l’aller.

Seulement, les Canaques n’avaient pas été malins : oubliant qu’à la guerre, il importe de voir et n’être pas vu, ils avaient choisi pour vedette un des leurs que dénonçait de loin sa chemise de laine rouge.

Cette couleur amie, arborée par un sauvage, pasticheur inconscient des Garibaldiens nous sauva la vie.

Il n’y avait pas à en douter : c’était là que nous attendait le massacre et nous pouvions discerner des points noirs, d’autres Canaques, se mouvant sous les arbres. L’heure était venue, je tournai la tête et, rencontrant le regard de mon père, lui fis un signe auquel il ne se méprit pas : il fut aussitôt près de nous. Deux mots suffirent : il tira de sa gaine mon pseudo-revolver, qu’il portait toujours au côté, je brandis mon bâton et nous passâmes sans façon de chaque côté de Malakiné, l’emprisonnant entre nous.

Ce chef, jusqu’alors, nous avait crus sans défiance et, dans la crainte d’être éclaboussé par quelques-unes des pierres ou sagaïes qui nous étaient destinées, il marchait assez loin de nous, dans la mer jusqu’à la cheville. Notre mouvement le déconcerta complètement ainsi qu’il parut à son air angoissé. Peut-être avait-il entendu parler de la façon dont les communards traitaient les otages. Son compatriote, que nous ne perdions pas de vue,