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dans la direction opposée à celle que je voulais prendre ; puis le feuillage m’ayant caché aux yeux des indigènes, j’exécutai un brusque crochet à gauche et, me courbant dans les hautes herbes, pris un triple galop dans la direction de Diahoué. Il était temps ! J’entendais les Canaques que j’avais quittés en appeler d’autres par des sifflements aigus et rapides auxquels il était répondu de même. Quelques minutes de cette course échevelée m’amenèrent au but ; je respirai, apercevant mes parents, on ne peut plus vivants.

Une chose me surprit, cependant : ils étaient levés comme pour partir. Ma mère m’en donna l’explication : « Malakiné, me dit-elle, nous conseillait, comme le plus commode, de nous en retourner par le rivage avant la marée haute sans t’attendre puisque, connaissant le pays et étant bon marcheur tu pourrais nous rejoindre par des sentiers de traverse. » Ce désir de nous séparer n’était pas fait pour diminuer nos suspicions : cependant, je ne dis rien sur le moment pour ne pas provoquer chez mes parents un mouvement insurmontable qui eût pu précipiter un fatal dénoûment. Malakiné, toujours présent entendant le français, je me réservai de ne pas perdre de vue ce chef.

Nous partîmes tous quatre, nous dirigeant vers la plage : Malakiné portait un poisson fumé, de belle dimension, dont il venait encore de trouver le placement et marchant en serre-file, près de ma mère et de moi. Mon père venait le dernier, absorbé dans la lecture d’un numéro du Siècle, qui ne datait que de trois mois. Son ignorance du danger me faisait frémir et lui donner l’éveil d’une façon trop brusque était en même temps le donner au traître de mélodrame. On ne pense pas à