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sa carabine, lui disant : « Nundo, je sais que tu es un brave ; je te fais cadeau de cette arme et j’espère que tu t’en serviras bien. » Tant de sang-froid démonta le farouche géant et les autres guerriers. Immédiatement, profitant de cet état psychologique, le chef d’arrondissement leur fit brûler les cases des insurgés. Désormais, les Canalas étaient forcés de servir les blancs : ils les servirent, sinon honorablement, du moins avec courage jusqu’à la fin de la guerre. Ce furent eux qui, le 1er septembre, toujours avec Servan à leur tête, tombèrent, dans les forêts d’Amboa, sur Ataï et sa tribu, déjà plus que décimée par les combats incessants ; Servan y gagna la rosette et le grade de capitaine de vaisseau, honneurs qui lui firent rompre un mariage considéré jusqu’alors comme avantageux avec la fille d’un haut fonctionnaire. Trafic des sentiments humains !

Après la mort d’Ataï, il y eut un répit relatif : Naïna et Aréki étaient traqués à outrance, obligés de fuir leurs villages dévastés. Le premier périt enfin, le 16 janvier de l’année suivante, sous les coups des Canalas qui rapportèrent triomphalement sa tête et son fusil. Petit, brun, intelligent, parlant peu le français, ce sauvage était une physionomie curieuse : on lui attribuait, sans beaucoup de preuves, la mort du colonel Gally-Passebosc. Quant au dernier grand chef, Aréki, il tint bon jusqu’au 7 février, quoique terriblement pourchassé dans la presqu’île Lebris et les marais de la côte. À la fin, manquant de vivres et désespérant d’échapper plus longtemps, il se rendit avec ses derniers guerriers. Sa contenance fut ferme et calme : il déclara toutefois n’avoir point participé au massacre des colons. On lui fit grâce de la vie et l’exila à l’île des Pins.