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mes, ils auraient été les maîtres du pays, y compris peut-être Nouméa.

Mais, pour cela, il fallait un sens exact de la situation et, par dessus, la volonté de transformer cette guerre de race en guerre sociale : la victoire était à ce prix.

Les Anglais, qui avaient laissé prendre la Nouvelle Calédonie et qui n’ont point perdu l’espérance de la rattacher un jour à leur grande colonie australienne, eussent certainement favorisé le soulèvement indigène s’ils avaient pensé y trouver des avantages. Il y eut de la part des marins britanniques quelques tentatives, très peu, restées généralement ignorées pour fournir des armes aux insurgés ; mais pour enseigner l’entretien et l’usage de ces armes il eût fallu des cadres européens. L’emploi de la hausse du chassepot était un mystère et, au bout de six ou sept coups, l’arme encrassée, considérée comme inutile, était souvent jetée. Les révoltés, d’ailleurs, ne possédèrent jamais plus d’une cinquantaine de fusils, enlevés en différentes fois aux surveillants militaires, aux gendarmes et aux colons massacrés.

Le lendemain de l’incendie de notre paillotte, quelques Canaques se montrèrent timidement aux environs du poste. Mon correspondant de Touho était rentré en communications avec moi. Je lançai sur cette ligne la nouvelle alarmante. La journée s’écoula tranquille, le lieutenant avait réintégré son habitation : il faillit y être tué. Un geste de la popiné qui vivait avec lui, le fit se retourner comme un sauvage, approché en tapinois allait le frapper, l’indigène disparut aussitôt. Dans la soirée, la montagne à moins de deux cents mètres du télégraphe, se hérissa de lueurs étranges : les insurgés, rampant comme des couleuvres tentaient d’incendier