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Quelques soldats le prirent d’abord pour une souche d’arbre flottant sur l’eau : ils s’aperçurent de leur erreur en voyant une pirogue se détacher de la côte et venir le chercher. Ils voulurent tirer, mais il était trop tard : Ataï, hors de portée, disparaissait déjà dans les marécages.

Sur leur passage, les révoltés ne manquaient pas de renverser les poteaux télégraphiques, de couper les fils et même d’emporter des sections de cent à deux cents mètres. Ils savaient que les bureaux de l’intérieur étaient pauvrement fournis de matériel et que plus longtemps les communications seraient interceptées, mieux cela vaudrait pour eux. En effet, pendant un bon mois, j’eus à faire le passage des dépêches de la côte est à Uaraï, d’où un vapeur les portait quotidiennement à Nouméa. Je couchais non plus dans mon lit mais dans mon fauteuil, en face l’appareil Morse, la tête alourdie et la main démesurément enflée par une manipulation incessante.

Mon collègue de Bouloupari, ancien sergent-major, mourut très bravement à son poste : il transmettait un télégramme au chef-lieu, lorsque les Canaques envahirent son bureau. Il comprit ce qui l’attendait et eut la présence d’esprit d’établir instantanément la communication directe entre Nouméa et Uaraï, ce qui se fait par l’introduction de deux fiches métalliques dans un commutateur. Aussitôt après, il fut tué ; son surveillant, Clech, courant à son secours, eut les mains et la tête brisées comme il enjambait une balustrade. Madame Clech fut saisie, garrottée avec les draps de son lit et violée, après quoi on lui fendit l’abdomen et coupa les paupières. Ces détails paraîtront affreux : on ne pouvait cependant attendre autre chose de sauvages exaspérés