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celle d’Ataï et celle des missionnaires, sauva les colons en faisant éclater prématurément l’insurrection. Celle-ci eut pour prologue, le 19 juin, le meurtre du libéré Chêne, à vingt-cinq kilomètres de Bouloupari. Le pauvre diable vivait, depuis de longues années, avec une popiné dont il avait un enfant : tous trois furent massacrés. Pour connaître les meurtriers, la brigade de gendarmerie de La Foa arrêta les chefs des tribus voisines et, pour délivrer leurs chefs, les Canaques massacrèrent les gendarmes, dans la matinée du 25.

La guerre était commencée, impitoyable de part et d’autre. Les insulaires, qui voulaient reconquérir leur sol et leur liberté, montrèrent autant de décision que d’adresse. Au lieu d’attendre, devant leurs villages, le choc des soldats européens, ils prirent l’offensive, se divisant en deux fortes bandes, dont l’une marcha sur Bouloupari, tuant et incendiant tout sur son passage, menaçant même Nouméa, où s’enfuyait une cohue affolée de concessionnaires, tandis que l’autre, massacrant une quarantaine de colons échelonnés entre La Foa et Uaraï, poussait jusqu’à cette dernière localité et brûlait la briqueterie. Sans l’arrivée toute fortuite de la Vire, avec le commandant Rivière, qui mit aussitôt à terre une compagnie de débarquement et prit la direction supérieure des opérations, ce chef-lieu d’arrondissement important pour le pays, subissait le sort de Bouloupari.

Pendant que ses guerriers traversaient Uaraï comme une trombe, Ataï, qui était allé seul reconnaître la position ennemie, passait devant le poste. Le vaillant ne subit point, cette fois, la peine de sa témérité : se jetant à la mer à l’endroit où elle forme une petite baie, il gagna en nageant le bord opposé, où l’attendaient les siens.