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tente de Hook, — en voyage, on fait comme on peut ! — et deux indigènes du crû étaient accroupis sur une natte auprès du stockman.

— Commençons par nous donner des forces, dit celui-ci.

Creusant le sol, il en exhuma, au milieu d’une chaude buée, le quartier de porc, dont l’aspect eût fait agenouiller le plus difficile gastronome. Selon la méthode canaque, il l’avait préalablement enveloppé de larges feuilles de bananier, puis enterré dans un trou et recouvert de cailloux rougis au feu. Cette cuisson à l’étouffée, s’étendait jadis à la viande humaine, qui n’en était pas moins savoureuse, son goût naturel ne se trouvant point altéré par des sauces suspectes.

Hook réveilla l’Européen et nous présenta le rôti, accompagné d’une montagne de bananes bouillies. Les deux bouteilles furent vidées ; puis nous procédâmes à notre déguisement, non sans que notre ami nous eût dit :

— Ne craignez pas que la mèche soit vendue : Marie est incapable d’une indiscrétion, Poindi est sourd-muet de naissance et Cathô le sera pour cette nuit : ses abattis m’en répondent.

Le voyageur européen se rendormit et nous nous déshabillâmes de la tête aux pieds. Jamais je n’aurais cru que Hook, avec sa chevelure et sa longue barbe blondes, pût représenter un Canaque : à ma grande stupeur, cette transformation s’opéra. À force de frictions avec du noir de fumée, du graillon et autres ingrédients ejusdem… carbonis, le muet finit par effacer toute teinte blanc-rosé sur le corps du stockman. Sa barbe, ramenée en nattes sous le menton, offrit miraculeusement l’as-