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Elle est salée, la parole, chez ces hommes de l’Océan : « coïons ! rossards ! fils de garce ! » Le geste n’a rien de mièvre : bourrades à assommer un bœuf ou grands coups de pied un peu partout. Quand ils jouent, souvent à la main chaude, ils mettent leur gloire à s’estropier, ayant l’admiration du primitif pour la force musculaire.

Quoi d’étonnant à cela ? pendant des siècles, ils n’ont eu pour culture intellectuelle que les oraison de leurs prêtres et pour délassements que des luttes de bêtes fauves. Combien en sont encore, non à l’époque de Darwin, mais à celle de Duguesclin !

Aussi, faut-il voir le dédain des ouvriers cultivés pour ces pauvres diables ! Comme à mon retour en France, égaré aux environs de Brest, je demandais mon chemin à des paysans qui ne comprenaient pas un mot de français : « Quoi, vous parlez à ces canaques ? » me dirent des travailleurs de la ville, survenant fort à propos pour me tirer d’embarras.

Vieil antagonisme des villes et des campagnes, créé par l’ignorance, soigneusement entretenu par les dirigeants et qui, en 93, 48 et en 71, paralysas la révolution ! tu disparaîtras enfin quand la suppression du pouvoir et l’universalisation de la propriété auront harmonisé les intérêts.

Cet esprit particulariste se remarque chez les soldats embarqués sur le Var. Fantassins de marine, ils méprisent les lignards et les matelots qui le leur rendent bien, — rivalité d’esclaves ! Dans les récits stupides ou orduriers qui font naître de gros rires, ils daubent sur les chie-dans-l’eau et les culs rouges. De leur côté, les quartiers-maîtres ne se font pas faute de tracasser, brutaliser même les militaires, soumis, en plus de leur discipline