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nements cléricaux. Après l’Ita missa est, la famille Coste, qui ne manquait pas les saints offices, se retirait : les portes de l’église, — à Poébo, la maison du Seigneur était une véritable chapelle, non une simple case, — se refermaient sur les ouailles de couleur, auxquelles, sous celle de sermon, le bon père débitait des bourdes trop usées pour avoir cours encore au pays de Voltaire. Puis, on faisait la quête et, de gré ou non, le pauvre Donato remettait la pièce de cinquante centimes, prix de son labeur d’une semaine.

Nos relations avec les missionnaires étaient assez curieuses. Il va sans dire que nous ne faisons point partie du saint troupeau : une fois, cependant, nous visitâmes l’église, la seule qui existât alors dans la brousse, et quelques paroles de pure courtoisie furent échangées en italien avec le père Villars, ancien officier de bersaglieri, avant l’annexion à la France de la Savoie, son pays natal. C’était, du reste, malgré sa profession, un fort brave homme, au physique avenant et même majestueux, qui avait dû être jadis fort aimé des dames et qui, maintenant encore, pinçait les oreilles des popinés avec une bonhomie autre que paternelle. Il dirigeait aux offices les chœurs des indigènes et donnait une attention spéciale à ceux des jeunes filles, vis-à-vis desquelles il se montrait rigide.

J’eus la curiosité, à la Noël, de voir une messe de minuit en pays canaque et le spectacle me parut si saisissant que je revins le contempler l’année suivante. Une animation extraordinaire régnait parmi la tribu ; dans les cases de tayos comme dans celles des popinés, les conversations décelaient un grand événement ; hommes et femmes avaient sorti leur linge, car il eût fait beau