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peignoir, consentaient à troquer le nom harmonieux de Dyla ou de Manjô contre celui de Sophie ou de Rosalie. Quand l’objet convoité était obtenu, les convertis, renonçant à leur nouvelle religion avec d’autant plus de désinvolture qu’ils ne la connaissaient pas, se replongeaient dans les ténèbres de l’idolâtrie, quitte à ouvrir de nouveau les yeux aux lumières de la foi pour se remonter une garde-robe. J’ai connu de ces Canaques caméléon, qui avaient été baptisés jusqu’à trois fois, contrairement aux lois de l’Église, mais on sait que la fin justifie les moyens et qu’il est avec le ciel des accommodements.

Le grand chef Napoléon, par suite de conventions passées antérieurement à mon arrivée, fournissait au bureau un facteur indigène tous les mois, ou plutôt toutes les lunes, car je ne pus jamais faire comprendre à ces primitifs que notre mois avait trente ou trente-et-un jours, et une fois seulement vingt-huit, au lieu de s’en tenir toujours à ce dernier chiffre. De guerre lasse, l’almanach grégorien s’inclina devant l’almanach sauvage et je continuai à changer de facteur toutes les quatre semaines.

L’un d’eux, Donato grand jeune homme instruit, — il savait lire et écrire ! — me raconta, un jour, le fait suivant, digne de fournir un épisode de vaudeville : quelque temps auparavant, il était employé comme cuisinier ou plutôt relaveur de vaisselle chez les missionnaires, qui le payaient à raison de dix sous par semaine. Le dimanche arrivé, il allait à la messe, où les indigènes se rendaient avec d’autant plus d’entrain qu’une amende d’un dollar (5 francs) frappait les récalcitrants, système qui portait ses fruits et que je recommande aux gouver-