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Le dormeur ne tarda pas à se réveiller et, averti par le songe, il chercha autour de lui des végétaux avec le suc desquels il pût entièrement se noircir le corps. Cette œuvre accomplie, il s’attacha aux jambes des ouatchitchis, petits coquillages blancs et légèrement rosés, d’une grande valeur pour le Canaque ; autour des reins, il se passa une ceinture de poumbouhée, puis s’arma de son casse-tête et d’une poignée de sagaïes. Se trouvant alors en état de recevoir le précieux don d’Ouanéguéï, l’homme descendit le cours de la Ti-yée jusqu’à un endroit où il s’arrêta soudain, car c’était là que son rêve s’était terminé. Tout à coup, il s’exclama : « Qu’est-ce ? Oh ! un poisson » et il s’élança de ce côté, poussant des cris de guerre et dansant, avec le simulacre de lancer une sagaïe ; puis, nouvelle pause, pendant laquelle le Canaque invoqua mentalement les esprits. Le cérémonial n’était pas encore fini : après avoir fait mine de frapper le poisson avec son casse-tête, le messager prit cette arme de la main gauche et tendit la droite vers la rivière, en s’inclinant presque jusqu’au sol et en fermant les yeux.

Alors, fait qui paraîtra bizarre aux incrédules Européens, quoique beaucoup moins invraisemblable que le mystère de l’Incarnation, le caillou de guerre sortit de la bouche du poisson et vint se poser dans la main du guerrier qui, rapidement, l’enveloppa avec un lambeau d’étoffe indigène, c’est-à-dire de fibres d’arbres grossièrement apprêtées. Cette opération accomplie, l’homme se leva, fit une vingtaine de pas doucement, puis prit sa course et ne s’arrêta que devant la demeure d’Apitéhéguène. « Eh bien, demanda celui-ci, où est le renfort ? » — « Le renfort nous est venu cette nuit d’Ouvéa, » ré-