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morgue, caractéristique des bureaucrates venus de France. Sa destination était le bureau d’Oégoa, au nord, qu’il devait ouvrir et gérer.

Je dis adieu sans regret à la vie abrutissante de Houaïlou. Mon nouveau poste, Oubatche, passait pour situé dans une région des plus charmantes de la colonie, région sauvage, fréquentée par des voisins peu commodes, les Oébias et les Pemboas, mais cela n’était point pour me déplaire. Le contact de ces farouches cannibales me paraissait infiniment préférable aux bruyantes ribotes des mineurs ou à la servilité de forçats.

À propos de ces derniers, je citerai un mot de Sanié, montrant jusqu’où peut aller l’obséquiosité développée ou engendrée chez certaines natures par le régime du bagne.

Fournier, jeune et amateur de cotillon, se plaignait amèrement devant le garçon de famille, de la continence à laquelle allait le condamner son état de célibataire.

— Qu’à cela ne tienne, Monsieur, interrompit Sanié, je pourrai, si vous voulez, demander à l’administration de m’autoriser à me marier avec une femme du paddok. Je la ramènerai ici et vous aurez ce qu’il vous faut.

Mon collègue laissa tomber cette proposition qui lui était faite le plus sérieusement du monde.

Le littoral est, presque uniformément aride et rougeâtre, depuis Yaté jusqu’à Houaïlou, devient, au nord de cette région, pittoresque et boisé. Une superbe forêt de cocotiers s’étend parallèlement à la mer, abritant de ses éventails d’émeraude les cases des Canaques, semblables à de grandes ruches, tandis que des cascades détachent leur nappe d’écume sur le bleu sombre des montagnes. Vers Touho, la côte devient escarpée ; à mesure