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même républicains, — bien que la république me parût l’idéal absolu et infranchissable. Tablant sur l’état d’esprit et de choses, j’avais écrit des proclamations bonapartistes, informant en substance le peuple de Paris, que le régime auquel étaient dues vingt années de prospérité — quel cynisme ! — opérait sa résurrection, tout comme le phénix mythique, et ressaisissait le pouvoir.

« Que le grand parti des honnêtes gens se rallie autour de nous ! » avais-je conclu, ou à peu près, en signant sans hésitation : « Le comité impérialiste ».

Toutefois, par un singulier scrupule, que je n’aurais certes plus maintenant, j’avais, pour figurer les noms des membres de cet imaginaire comité, tronçonné mon propre nom de la façon suivant : Char, Lesamand, Antoi, Nemal, Ato, Decorné, (au lieu de Charles, Amand, Antoine Malato de Corné).

Mon plan était de placarder nuitamment ces affiches dans quelques quartiers populeux, de façon à exciter, le matin suivant, l’émotion des ouvriers républicains qui les liraient en allant à leur travail et, naturellement, s’attrouperaient pour les commenter. Je serais sur l’un de ces points et, semant des bruits de toutes sortes, mettant à profit les infaillibles brutalités de la police, qui ne manquerait pas de charger nos rassemblements, peut-être, arriverai-je à déterminer un coup d’emballement populaire ! La liberté des communards prisonniers, en général, et de mes parents, en particulier, pourrait en sortir et qui sait quoi encore !

Tout hasardé que puisse sembler ce projet, comme il ne compromettait que moi, je l’exécutai. Sans m’être confié à âme qui vive, je me dirigeai à la brune vers la place de la Bastille, achetai deux sous de colle à bouche